La valeur de ta vie

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En l’an 138 de la période Kamakura dans le Japon de l’Ouest, sur le Mont Kôya, là où se trouve l’un des complexes religieux bouddhistes les plus puissants de son temps, l’un des quartiers généraux de l’école Shingon, fondée en l’an 193 de la période Heian, soit il y a 333 ans.
Nous sommes à l’heure du lièvre. Les engoulevents se sont tus laissant les grives musiciennes s’exprimer. Un jeune moine fini de ratisser le jardin à la lueur des torches. Revêtu de son habit monastique, la tête à moitié cachée par une étole, son visage est difficilement reconnaissable. Les torches projettent la vision déformée de sa silhouette.
Il rejoint son Maître :
– « Maître, quelle est la valeur de ma vie ? »
Au lieu de répondre, le Maître lui remit une pierre :
– « Rend toi au marché, présente cette pierre mais ne t’en défait pas. Si quelqu’un demande le prix, lève deux doigts et ne dit rien. »
Le jeune moine est allé directement au marché. Une femme richement vêtue s’arrête devant lui et lui demande :
– « Combien coûte cette pierre ? Je vois déjà où elle pourrait être mise en valeur dans mon jardin. »
Le jeune moine n’a rien dit et a montré deux doigts.
– « Deux Yens ?! J’aimerai bien la prendre. » dit la femme
Le jeune moine déclina son offre, couru sur tout le chemin du retour et rapporta la scène à son Maître. Le Maître lui a alors dit :
– « Maintenant, je veux que tu amènes cette pierre devant le musée. Si quelqu’un te propose de l’acheter ne dit pas un mot, mets juste deux doigts en l’air. »
Le jeune moine est allé au musée et un homme a voulu acheter la pierre. Le jeune moine n’a pas dit un mot et a levé deux doigts.
L’homme lui dit :
– « 200 Yens ? Je voudrais bien la prendre, elle aurait une place privilégiée dans ma collection. »
Ebahi, Le jeune moine a de nouveau couru sur tout le chemin du retour. Mais tout ce que le Maître lui a dit était :
– « Le dernier endroit où je veux que tu amènes cette pierre est un magasin de pierres précieuses. Montre-la au propriétaire et ne dit pas un mot, s’il demande le prix montre juste deux doigts. »
Le jeune moine est allé au magasin de pierres précieuses et a montré la pierre au propriétaire.
– « Où as-tu trouvé cette pierre ? C’est l’une des pierres les plus rares du monde ! Combien en voudrais-tu ? »
Le jeune moine a levé deux doigts comme demandé et l’homme lui a dit :
– « Pour 2 000 000 Yens je la prends. »
Le jeune moine, ne sachant pas quoi dire, a couru voir son Maître :
– « Maître, il y a un homme qui veut acheter la pierre pour 2 000 000 Yens ! »
Le Maître lui a alors dit :
– « Deshi, connais-tu maintenant la valeur de ta vie ? Tu vois que, peu importe d’où tu viens… ou combien d’argent tu possèdes, cela dépend d’où tu décides de te placer, et des gens dont tu t’entoures. Tu pourrais peut-être vivre toute ta vie entouré de gens qui te voient comme une pierre à 2 Yens. Tu pourras choisir de te juger inférieur, ou tu pourras rester fort et confiant en sachant que tu n’as pas de prix. Mais tout le monde a un diamant à l’intérieur de lui. »