La discipline positive

La discipline positive expliquée par Béatrice Sabaté, psychologue clinicienne et co-fondatrice d’acteurs de liens

Interview du 04 décembre 2017 par Anne Le Cabellec pour La fondation Apprentis d’Auteuil

Qu’est-ce que la discipline positive ?

C’est une approche éducative qui vise à favoriser la coopération chez les jeunes. Elle a pour objet l’apprentissage des compétences sociales, émotionnelles et civiques. On peut commencer dès la petite enfance. Plus on avance en âge, plus les outils de coopération seront sophistiqués.

Comment la définir ?

En trois mots, je dirais tout d’abord, « encouragement ». Cette approche vise à favoriser chez le jeune le développement de sa perception qu’il est capable. Quand un jeune peut dire : « Je peux oser, je peux me tromper », il dispose d’un moteur et d’un levier de motivation importants. Le deuxième mot : « fermeté ». On entend par là le respect de soi, de la situation et des règles. Cette fermeté est fondamentale. Elle ne se limite pas au classique « Je te respecte, tu me respectes ». Elle inclut aussi l’idée qu’en tant qu’adulte accompagnant un jeune, j’ai envie de transmettre des valeurs, et c’est aussi en cela que je me respecte. Le troisième mot, c’est : « bienveillance » (qu’on peut remplacer par le mot connexion). Attention, il ne s’agit pas du tout de mettre l’enfant au centre et rien que l’enfant. Le risque, c’est de basculer dans le « tout m’est dû », le « tout, tout de suite », le « tout négocié », or, la bienveillance, ce n’est pas cela. Il s’agit de privilégier la bonne fonctionnalité du lien dans lequel il y a l’enfant, mais aussi l’adulte. C’est ainsi que pourra s’instaurer une véritable coopération avec un respect mutuel.

Quelles sont les racines de la discipline positive ?

Elle s’appuie sur une approche pragmatique des principes d’Alfred Adler, un médecin et psychothérapeute autrichien. Parmi ses principes, on trouve le respect mutuel et aussi l’encouragement (on fait mieux quand on se sent mieux). Ce qui motive l’être humain est pour Adler de nature sociale. L’homme a besoin d’appartenir à un groupe, d’y avoir une importance, d’y contribuer. Ce qui vaut aussi pour l’enfant, qui a besoin de se dire : « J’ai une utilité, je sers à quelque chose. Après Adler, il y a eu d’autres penseurs, des scientifiques, des psychologues, des éducateurs, des pédagogues etc. qui se sont inscrits dans cette idée de la coopération, comme Freinet, Montessori…

Aujourd’hui, quelle est l’actualité de cette approche ?

Cette discipline n’est pas nouvelle, elle a été formalisée il y a une quarantaine d’années par deux américaines, docteurs en éducation et thérapeutes (Jane Nelsen et Lynn Lott). Mais aujourd’hui, elle se développe plus vite dans tous les pays et dans toutes les cultures, par exemple, en Chine, en Afrique du Nord, au Moyen Orient, aux Etats-Unis, en Europe, car elle bénéficie de l’engouement pour ce courant d’éducation positive ou d’éducation à la coopération. Deuxième élément important, les avancées en neurosciences, et en particulier, l’imagerie mentale qui nous permet de voir aujourd’hui ce qui se passe quand nous sommes dans un univers plus ou moins bienveillant. Ce qu’avançait Adler – le fait que l’on fait mieux quand on se sent mieux – est aujourd’hui vérifié visuellement par les neurosciences. Des études comme Pisa mettent aussi en lumière que l’encouragement est un moteur pour les apprentissages scolaires et sociaux des jeunes. La révolution du numérique vient également bousculer complètement nos façons de faire. Pour continuer à transmettre ce qui nous parait essentiel à l’épanouissement d’un enfant, nous devons revisiter nos pratiques. Nous sommes en pleine mutation sociétale. L’éducation est en particulier un des champs dans lesquels la mutation est la plus sensible. On est à cette croisée des chemins et c’est enthousiasmant.